Une silhouette élancée, presque comme si elle était désarticulée parfois. Certains diraient même que sa silhouette est maladroite, comme une ébauche d’un dessinateur pas très sûr de lui. Mais Nahyun s’en fout, c’est sa silhouette et il n’y a pas à chercher plus loin. Bien souvent, vous pourrez le trouver les paupières closes, le corps en boule en train de dormir dans un coin. D’ailleurs, parlons-en de ses paupières. Elles sont diaphanes, comme si elles étaient faites de papiers japonais. On peut y voir de minuscules veines à travers. Elles voilent des yeux d’un bleu gris glacé qui reflète bien sa personnalité. En fait, à cause de sa peau blanche, on lui demande souvent s’il n’est pas malade… Mais rassurez-vous, s’il y a bien quelqu’un avec une santé de fer, il s’agit de lui. tant que l’on ne lui met pas de chiens sous le nez – il en est allergique – tout va pour le mieux. Mais ce qui transcende le plus avec sa peau de cachet d’aspirine est le noir ébène de sa chevelure. Digne d’un japonais… ce qui fait sa fierté, même s’il n’est un nippon que de cœur et de mensonges.

Pour sa tenue, il est très friand des habits japonais traditionnel mais en général, il se contente d’habits sobres aux couleurs sombres. Il n’est pas très compliqués sur ce sujet. Néanmoins, il ne portera jamais de vêtements très « voyants » car cela l’horripile au plus haut point. Il laisse cela pour les autres. Et de plus, les habits serrés ne sont pas vraiment son truc… Alors éloignez-vous du cliché gay car cela ne convient pas du tout à ce qu’est vraiment Nahyun.

Sinon, en ce qui concerne ses habitudes gestuelles, il y en a tellement que toutes les répertorier prendrait bien trop de temps… Mais en voici tout de même quelques uns. Pour lui, se mordre la lèvre inférieure est un moyen de se contrôler. Il fait cela lorsqu’il sait qu’il est possible qu’il dérape, d’une manière ou d’une autre. Ensuite, fumer lui permet de soulager la pression qu’il engrange à force de passer du temps en compagnie d’humains. C’est un peu pour combler ses différentes frustrations.

Il y en a de ceux qui disent que son cœur est de glace… Peut-être est-ce le cas, mais la glace n’est pas incassable et souffre facilement de la chaleur, alors ce n’est pas vraiment une excuse pour paraître si froid. Car oui, Nahyun est froid. Il ne se laisse pas facilement approcher et peut se montrer ouvertement cynique et tranchant envers le peu de personnes qui se risquent de l’approcher. Mais ne vous faîtes pas avoir à son apparence, il ne se désintéresse pas complètement de vous comme il le laisse supposé, non, il se contente de vous observer de loin sans interférer à votre vie. Oui, Nahyun se considère comme un simple spectateur qui n’a pas vraiment lieu d’exister. Parfois, il aimerait bien disparaître et se fondre dans le papier peint. Il aurait aimé être un esprit pour pouvoir tout regarder mais sans influencer qui ou quoi que ce soit dans la réalité. Son existence, il préfère l’oublier, la mettre sur pause pour partager celles des autres par procuration. Alors non, Nahyun n’est pas totalement blasé, il vous envie seulement dans son coin à la limite de s’apitoyer sur son sort.

Il souffre depuis bien longtemps d’un complexe d’infériorité qu’il ne cesse de masquer derrière des airs glacials. Il est pathétique et en a conscience. Lorsqu’il se décide enfin à ouvrir la bouche, ce n’est que pour dire des mensonges et s’inventer une vie. Il se dit Japonais alors que ces origines sont sino-coréennes, comme le prouve son nom. Il se dit avoir passé trente ans alors qu’il fête à peine ses vingt-trois ans et n’en fait que dix-sept. Nahyun est vil, Nahyun est menteur, Nahyun est envieux… Il n’est donc certainement pas une personne que l’on aime côtoyer… et c’est tant mieux car il préfère rester seul… Ou plus exactement, la solitude lui fait moins mal.

Il est beaucoup plus à fleur de peau que ce que l’on peut imaginer, sa seule qualité est d’être un bon comédien et de savoir ce retenir si besoin. Le reste, ce n’est que de la fioriture qui est là pour décoré. Il n’est pas à l’aise pour les relations sociales alors dans certaines situations toute à fait banales, il peut se montrer très maladroit et perdu. Lorsqu’on a gratter les couches, on découvre un gars complètement paumé… et étonnement timide.

Il y avait cette foutue sonnerie qui n’arrêtait pas de sonner, comme pour le rappeler à l’ordre, pour qu’il remette ces idées en place. Il avait envie de se baffer. Qu’était-il en train de faire ? Coucher… avec le meilleur ami de son frère n’était pas la solution à ses problèmes. Non, cela ne faisait qu’en rajouter d’autres complètement inutiles. Il était con. Il était con et stupidement amoureux. Ouais, amoureux comme dans les livres avec les papillons dans le ventre et tout… enfin, presque tout. Son amour à lui était loin d’être rose. Pour commencer, il était même pas réciproque. Alors qu’est-ce qu’il foutait là, dans ce foutu lit ?! Il se posait lui-même la question tellement cela lui paraissait invraisemblable. Cela n’avait ni queue ni tête. Sa vie était pourrie. Son père était incapable de s’occuper de ses cinq fils et sa mère était trop plongée dans la drogue pour se souvenir qu’elle en avait. Mais Nahyun ne se plaignait pas, jamais, comme son grand frère Junki le lui avait appris. Parce que pleurer et se plaindre, c’est pour les fillettes et qu’il n’y avait pas de temps à perdre avec ses niaiseries, il fallait se dépêcher de croquer la vie à pleines dents avant de se faire bouffer par un trou noir. Les Trous Noirs, c’était ainsi que l’a fratrie appelait les crises de démences de leur mère… Dans ces moments-là, elle devenait incontrôlable et frappait tout ce qui se trouvait sur son passage… Alors bien souvent, Junki et son autre grand frère, Lee Hoon, devait enfermer la femme dans la salle de bains… pour la sécurité des deux plus jeunes. Nahyun, c’était celui du milieu, celui qu’on oubliait car il était trop grand pour être protégé et trop petit pour protéger à son tour.

Alors Nahyun se mettait dans un coin et il oubliait. Il oubliait son existence, comme tous les autres. C’était étrange… à ses moments-là, tout devenait flou et irréel… puis, il s’endormait, ou perdait connaissance – il ne savait pas trop – et lorsqu’il se réveillait, il était dans son lit sans n’avoir aucun souvenir de ce qui s’était passé…

Mais voilà, tout ce temps était révolu car il avait couché avec le meilleur pote de Lee Hoon. Il était éperdument amoureux de lui… C’était un beau Japonais venu faire ses études à Séoul… Et aux yeux de Nahyun, ce gars était juste parfait, rien de plus rien de moins. Il incarnait la liberté que Nahyun rêvait de caresser du bout des doigts… Il ne rappelle plus trop comment les choses s’étaient passées mais le résultat fût qu’il avait réussit l’incroyable : allumer Kiyoshi.


Sauf que désormais, la chose qu’il redoutait le plus c’était que cet homme se réveille. Car le temps de cette fameuse nuit, le Mythe du Parfait Japonais c’était brisé. Kiyoshi était comme les autres… brutal. En parlant de lui, il était en train d’ouvrir les yeux. Nahyun prit une profonde respiration. La réalité le rattrapait, encore. Cette réalité, il la haïssait plus que tout… car cette foutue réalité lui rappelait sans cesse qu’il était trop lâche pour vivre et trop lâche pour mourir.

Il ferma fort ses paupières, comme si cela suffisait à le couper de la réalité, à changer de monde. Kiyoshi ne valait pas mieux que les autres, et se remémorer cela lui donnait la nausée. Si seulement ce gars pouvait se taire, juste un instant, juste quelques minutes !

Et là, Nahyun fut pris d’une folie, comme sa mère. Il se rapprocha de Kiyoshi qui avait un grand sourire pervers sur les lèvres. De ses mains, il caressa le cou du Japonais… et serra. De toutes ces forces… sans réfléchir. Kiyoshi étouffait, il cherchait désespérément de l’air en se débattant… D’un geste non contrôlé, il frappa violement la tête de Nahyun qui percuta le mur dans un bruit sourd. Puis… plus rien. Le noir complet. S’en suivit inévitablement l’Ailleurs…

Lorsque l’on ouvre les yeux après un long sommeil, il y a quelques secondes minimes où tout va bien, comme si on renaissait une nouvelle fois… Puis les souvenirs nous réattaquent sans pitié pour nous rappeler qui on est et ce que l’on a fait. Nahyun détestait ses moments-là… et pourtant, c’était un de ces moments qu’il était en train de vivre. Mais pour l’instant, il ne savait pas encore à quel point ce fameux moment allait changer sa vie à tout jamais.

L’Ailleurs, c’était ainsi que les gens nommait le lieu dans lequel il était tombé. Au début, ce monde, il le haïssait. Encore plus que sa vie. On avait beau lui expliquer qu’il ne retournerait pas chez lui, il ne cessait d’espérer revoir ses frères… et même ses parents. C’est étrange comme ce que l’on déteste peut nous manquer, non ? Il lui arrivait même d’imaginer la silhouette de Kiyoshi au coin d’un couloir. Il d’venait cinglé, c’était pas possible autrement. Mais peu à peu, les choses reprennent leur place et la routine s’impose d’elle-même. Il a arrêté de penser à son Avant, à ses frères, à Kiyoshi… Comme s’il recommençait une autre vie et que tout ce qui était derrière devait être oublié, effacé. Il allait même jusqu’à mentir sur son vrai nom et ses origines, comme s’il cela ne l’amusait plus de jouer sa propre vie et qu’il lui fallait un nouveau rôle. Oui, celui d’un Japonais, comme l’était Kiyoshi, comme il l’aurait voulu l’être.

Maintenant, six années ont passés bien que le temps n’ait laissé aucune trace sur son corps. S’en était presque cruel, dire que Nahyun se réjouissait de vieillir et revêtir une apparence qui lui correspondrait mieux… Le voilà donc figé dans sa dix-septième année durant laquelle il avait tellement dérapé. Ouais, le destin était à la fois cruel et ironique.