« 25 février 1999

Ces derniers jours, il s'est passé tellement de choses ! Je crois que j'ai besoin de les consigner sur papier pour croire à tout cela. Ça faisait pourtant longtemps que je n'avais pas écris dans ce vieux journal... Il y a trois jours, je suis parti de chez moi. Comme ça. Sans raison. J'en ai eu marre. Je n'ai prévenu personne. Ce n'était pas réellement une fugue. Je ne savais pas où j'allais, ni même pourquoi je partais. Tout était flou . Tout s'est passé très vite. Ça me semble un peu... Irréel. Je me suis dirigé vers la gare pour prendre le train. J'étais seul sur le quai. Cela ne m'étais jamais arrivé. Absolument seul. Je suis monté et les portes se sont refermées, scellant mon départ. Je ne sais plus ce qu'il s'est passé. Je crois que j'ai fermé les yeux, juste quelques secondes...

Quand je les ai rouvert, j'étais dans un endroit qu'on aurait pu associer au néant. Le noir complet. Et pourtant, je pouvais me voir distinctement tout comme la pancarte en bois qui se trouvait devant moi et sur laquelle était inscrit « Bienvenue ! ». Je l'ai effleuré et immédiatement, le sol s'est dérobé sous mes pieds. J'aurai voulu hurler mais aucun son ne parvenait à sortir de ma bouche. La chute a duré longtemps. Très longtemps. Plusieurs minutes certainement. J'attendais, horrifié, l'impact qui me serait fatal. J'ai vu le sol et j'ai fermé les yeux. Je ne voulais pas regarder ma mort en face. J'ai pourtant senti ce même sol, mou comme de la guimauve, s'enfoncer sous mon poids. Impossible en temps normal. Tout était flou et si étrange. J'ai pensé à un rêve mais je ressentais la peur trop profondément, les battements de mon cœur étaient bien trop audibles.
Je me trouvais dans un nouvel endroit : une grande pièce dans laquelle se trouvait une grande pancarte, et de grands escaliers; elle semblait délabrée, certaines portes étaient barrées par des planches de bois poussiéreuses. Sur la pancarte était inscrit : « Bienvenue dans l'Ailleurs, vous êtes actuellement plus ou moins condamné à errer en ce lieu pour l'éternité. »


Date inconnue

Depuis mes derniers écrits (il y a quelques années) je me suis acclimaté à ce lieu. Je ne suis pas seul. On n'a jamais fini d'explorer cet endroit. C'est comme si des pièces poussaient ! On m'a tout expliqué. C'est un lieu étrange où toutes sortes d'événements incongrus se produisent. Certains 'habitants' sont tarés, d'autres sont assez lucides. Le plus vieux d'entre nous est arrivé en 1989 mais ça n'a pas réellement d'importance.

L'Ailleurs est un monde différent du notre. Il est beaucoup plus restreint : il n'y a qu'un grand manoir et ses alentours. On s'y perd toutefois facilement... Je n'espère plus m'échapper par le jardin. Ce dernier est vaste, mais quand vous arrivez à ses limites, une grille s'élève, si haute que vous n'en distinguez même pas le sommet. Il est impossible de la découper ou que sais-je. Tout était flou et si étrange. Sortirai-je un jour ?

Le temps semble s'être arrêté dans l'Ailleurs. Personne ne vieillit. Est-ce une punition qui nous est infligée ? Être condamné à vivre pour l'éternité dans un monde parfait au goût étrangement fade ? Chaque endroit est spéciale. On se sent à tout moment déconnecté de la réalité. On ne sait pas d'où vient la nourriture, on ne sait rien. Mais...

On ne s'ennuie pas vraiment ici. »